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Hypermodernité : Manichéisme et anxiété



Camay Vienneau

06 mars 2022


Nous sommes plus que jamais aux dépens du regard des autres sur qui nous sommes concrètement. Nous pouvons nous distancier du produit critiqué, mais une fois devenu ce produit, une immense place se crée pour l’anxiété.


Avec les mouvements sociaux et les questionnements relatifs au milieu du travail, nous questionnons les ordres établis. Un regard neuf se pose sur le système actuel et passé de la société. Notre contribution en tant qu’être devient plus importante que notre contribution matérielle. Graduellement, nous passons d’une ère hyper matérialiste à une ère de l’esprit. L’importance est mise sur l’humain comme porteur de sentiments plutôt que producteur d’objets. C’est une idée idyllique qui encourage l’humain à approfondir son individualité plutôt que dans ses compétences. Le contre-revers de cela est que nous devenons le produit jugé et noté. La valeur d’un objet perd de son objectivité et devient presque totalement subjective. Aussi dû à l’hyper connexion dont nous faisons preuve par les médias sociaux. C'est un lieu où nous sommes entièrement redéfinis et glorifiés pour notre apparence publique au détriment de notre contenu. Cette connexion sans répit crée une inquiétude propre de notre ère hypermoderne : l’anxiété. Nous sommes passés au-delà du post-modernisme et faisons face à l’hypermodernité. Elle a pour focalisation l’individu. Il est ironique que le mouvement prône l’individualité dans une ère où les contributions pour le collectif sont scrutées au peigne fin. Un conflit interne nait de cette critique du collectif de nous définir, soit comme étant bon ou mauvais. En quoi se définit l’hypermodernité par l’anxiété? Elle devient le médium psychologique qui tente d’être traduite artistiquement par les flous, les déconstructions. Mais surtout, elle devient l’équivalent social de l’économie pour évaluer le statut d’un individu. Le plus angoissé nous sommes, le plus connecté nous devenons et le plus aux dépends des autres nous sommes.


HYPERMODERNISME


L’hyper modernité est un mouvement qui marque notre époque depuis la moitié des années 90 dans toutes les sphères de la vie courante. Particulièrement représentative des nouvelles générations, le courant démontre une volonté de mettre l’accent sur la réflexion et le monde de la pensée plutôt que sur la démonstration des capacités techniques.


Il est le successeur au post-modernisme. Il a un caractère révolutionnaire et cherche à remettre en question la doxa de l’échelle économique du système en place. L’hypermodernité hérite du regard post-modernisme centré sur le monde, mais le fait du point de vue de l’individu. Plutôt que de célébrer le groupe, il célèbre les individus séparément pour l’innovation.


L’innovation sociale est au cœur des préoccupations. Elle se trace un chemin sur les médias sociaux. L’attrape est de se perdre dans la masse des différences, des possibles et des problématiques. Il y a un océan de choix qui rend le questionnement encore plus intense. L’angoisse nait au sein de cet océan de choix et nous risquons de nous y perdre. En conséquence de cette conscientisation sociale et de la célébration des différentes, le discours se retrouve à deux pôles opposés.


CONSCIENTISATION SOCIALE et INDIVIDUALISME


Par conséquent, il faut se connaitre à un tout autre niveau. Nous faisons face à la dualité du groupe et de l’individu. Il ne faut pas céder au conformisme, tout comme il ne faut pas oublier l’existence de groupe. Une étrange relation s’entretient entre le besoin d’originalité et de soumission au bien commun.


D’un côté, notre ère hyper connectée nous réclame de travailler pour l’ensemble. C'est une noble nécessitant de s’oublier comme électron libre et de penser pour la communauté. Cette quête noble participe grandement à la reconnaissance de minorités. Des concepts en développement peuvent aussi être partagés et débattus avec affront. Heureusement, cette possibilité de médiatisation intense permet la reconnaissance de plusieurs concepts pour les imposer comme norme dans la société. Je pense notamment aux communautés queers ou nous pouvons désormais célébrer notre identité dans la sphère publique plutôt qu'uniquement en privé.


D’un autre côté, cette hyper connexion signifie une demande d’authenticité intime. Notre esprit individuel doit se connaitre assez pour ne pas céder à changer notre différence pour la conformité. La sphère privée devient soudainement très nécessaire pour l’apport du social. Elle est présente sur les réseaux sociaux. Elle détermine si nous méritons de participer au bien commun selon l’unicité de notre personnalité. L’intimité passe par un système critique social, ce qui est en soi ironique. Nous tombons dans le versant complet de ce qui a défini le privé. Il est de plus en plus fréquent de voir des groupes s’écrier sans ouverture contre la diversité sexuelle et de genres. Les groupes croient de façon radicale leurs idéaux. Prenons notamment les partisans d’un certain leader orange (pour ne pas faire la publicité de son nom) qui agissent aveuglément contre tout ce qui n’est pas de la volonté de l’ex-dirigeant. Impossible de les faire raisonner.


ANXIÉTÉ


Il nait de ce conflit une nécessité de faire le choix entre deux options très définie. D’un côté, se conformer et s’oublier pour le bien social. De l’autre côté, affirmer son identité et se tourner contre le social. Un écart entre le social et l’intime qui n’est pas encore résolu et qui fait naitre une tension au sein du corps social qu’il habite donne lieu à de l’anxiété.


Le problème est qu’il y a une zone grise entière entre ces deux mondes. Ce monde de nuances nous permettra en tant qu’individu de participer au bien social et individuel. Sans prendre en compte cet espace, nous refusons de comprendre que l’humain se construit par des parts différentes des deux actes. Cette multitude de personnalités amène le conflit certes, mais c'est par l'interaction avec ceux-ci que nous pouvons avoir de grands avancements. Ils ouvrent des perceptions différentes d'une chose qui y amène des univers de possibles.


Et c’est exactement ce qui semble se poser en ce moment. Il faut appartenir à un côté ou à un autre sans ouvrir de réel discours sur les raisons des différences de penser. Cela mène à une opposition stagnante qui perpétue une peur de s’écarter de la norme stagnante.


Se trouver dans cet espace, qui est en fait la nature humaine, incapable de faire un choix, nous devenons des marginaux critiqués. Le besoin d’appartenance chez l’humain est très fort. Et savoir ne pas être accepté ni d’un groupe ni d’un autre enclenche un mode de survie. En tombant dans ce mode de survie, nous tombons aussi dans un bassin d’angoisse où les frontières sont floues.


Quel élément marquera la frontière entre le bien et le mal? Par ailleurs, la « Cancel culture » nait de cette division nette et manichéenne de la société. Il s’en crée une épidémie de l’anxiété. À force d’être à la fois observés et observateurs, nous sommes sujets à devenir des conduits d’angoisses.


Par l'amalgame d'observations et de recherches sur le sujet, nous pouvons affirmer que l'hypermodernisme se traduit par l'angoisse, l'hyperconnexion et l'individualisme. Il n’est simplement pas viable de conserver une position si ancrée dans une conception du monde qui se définit entièrement en une chose entre le bien et le mal. Il devrait y avoir à un moment une fracture des pôles pour révéler les nuances. Puisque lorsque nous voulons condamner des actes de violences verbales le système hypermoderne trouve son importance. La voix forte porte enfin une action concrète pour dévoiler les maux infligés. Cependant, pour des personnalités publiques qui pourrait mentionner préférer un produit à un autre, serait une étincelle qui allume une trainée de poudre.


Il faut apprendre à faire une distinction entre ce qui est une injustice claire et une préférence. Il faut profiter de cette ère d’individuation et de connexion pour créer un système fortifié. Profiter réellement de nos sociétés hétéroclites pour ouvrir des discours et des actions diverses. Car refuser le questionnement est une façon rapide de nous mettre des bâtons dans les roues et d’insister sur la propagation de l’anxiété dans le corps social.


COMMENT CELA SE TRANSFORME EN ESTHÉTIQUE


Mettre au-devant de la forme la réflexion du créateur. Et en même temps une volonté de paraître qui nait entièrement d’une superficialité nouvelle des médias sociaux. Cette superficialité est pourtant aussi nécessaire que détestée. Nécessaire pour les repères aux formes d’autorité et détesté, car nous devons toujours remettre en question l’autorité établie.


En art, ça se traduit par une adaptation des codes. Ces codes qui subissent ensuite une distorsion de leur valeur esthétique. Redéfinir ce qui est beau et pourquoi le faire beau. Les nouveaux codes comprennent des lignes, des focus floues et des personnages dans le style d’animés. En littérature, nous voyons la tendance des protagonistes « nerdy » qui sont les archétypes du nerd anxieux et peu héroïque. Et en cinéma, particulièrement de celui d’occident, nous y voyons des systèmes corrompus. Ces systèmes peuvent autant être des systèmes sociaux, scolaires, économiques et familiaux.


En fait, l'apport artistique devient un moyen d'exprimer les maux et le sentiment d'incertitude profond, pas le biais de techniques de peinture, de littérature et de cinématographie. L’esthétique prend la forme d’un questionnement intime et moins d’une tendance artistique. Tous ces éléments réunis ensemble ont pour but de conformer l'individu au conformisme ou à l'opposition. Il s’en crée une polarisation des opinions et verse dans le néo-conformisme.


CONCLUSION


Ainsi, dans cette nouvelle ère d’hypermodernité nous sommes soumis à un courant esthétique à la tangente psychologique plutôt que technique. L’anxiété vit au cœur du conflit interne et externe de notre époque. Elle utilise l’art pour se matérialiser, mais reste intimement ancrée dans chaque individu par un moyen d’inquiétude profonde. Notre hyper connexion est à la fois à blâmer et à encourager. Cette technologie nous mettant dans une situation complexe de vulnérabilité. Celle-ci étant le sujet de la critique et des variables de notre valeur pour les autres. Cette anxiété est notre valeur. Comme une sorte d’échange monétaire, nous pourrions présenter cette charge électrique en échange de point pour prouver notre inquiétude pour la conformité.


 
 
 

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